Passées les premières exaltations louant son inventivité, sa fantaisie, sa beauté, son instinct sexuel formidable, vous vous interrogez: ne serait-il (elle) pas un peu égoïste? Mais oui, voyons! Et c’est même sa principale qualité.

De ci de là, vous avez détecté quelques marques narcissiques et des pics de manifestation de l’égo chez votre élu(e). Ne « profiterait »-il (elle) pas un peu de vous? N’est-il (elle) là que pour la bagatelle? Mais vous, soyez honnête: ne profitez-vous de même? Ne cherchez-vous pas à extraire le pur nectar du bonheur sans engagement ni concessions? Soyons clair: si c’était vraiment un être parfait ou, du moins, un être facile à vivre, généreux au quotidien, compagnon idéal correspondant à la plupart de vos attentes pour les contingences de la vie en société… ce ne serait pas un(e) amant(e), mais un(e) époux(se). On fait souvent cette erreur de vouloir faire de sa relation illégitime une relation officielle. Halte là! Vous risqueriez de tout gâcher!

Souvenez-vous du cycle infernal, des leçons de la biologiste Lucy Vincent, du cynisme de Beigbeder: l’amour dure trois ans! Souhaitez-vous vraiment revivre ce parcours balisé 1. l’étincelle 2. le brasier 3. la vie à deux 4. le feu sous la cendre 5. l’ennui?

Une étincelle par essence… éphémère!

Prenez plutôt soin de ce que vous avez sous la main. Une personne disponible pour le meilleur. L’amant(e) doit rester une bulle de champagne, un été indien, une épice rare qui pimente votre vie. Ne vivez que dans l’instant.

Ariane s’y attelle dans Belle du Seigneur, chef d’oeuvre de Cohen. Elle réserve à Solal, son amant, séducteur grand prince, toutes les excentricités et les soins nécessaires sinon à la pérennité de leur relation, du moins à l’entretien de la force du présent. Des rituels sont instaurés: elle croque un grain de raisin quand il sonne à sa porte, elle met un air enlevé sur un électrophone quand le désir la saisit. Elle va jusqu’à construire un cabinet de toilette à l’autre extrémité de ses appartements pour que Solal ne soupçonne rien de ses prosaïques activités. Cette quête est noble et grotesque: « Agenouillés, ils étaient ridicules, ils étaient fiers et beaux, et vivre était sublime. » On sait pourtant que la passion s’émoussera… mais c’est une autre histoire qui rencontre la grande Histoire.

Lors de vos rencontres, votre partenaire est « in the mood for love » et sa présence se révèle intense : voilà la seule attitude qui vaille en pareilles occasions. Cherchiez-vous un(e) complice pour une aventure brûlante ou une nouvelle personne à qui passer la bague au doigt? Vous risquez de vous faire du mal et de provoquer des dégâts autour de vous. Alors mettez vos attentes au clair, remballez vos reproches… ou misez sur un autre cheval!

Un monstre

A propos de Belle du Seigneur, ce roman-pavé, le critique François Nourissier formule dans Les Nouvelles littéraires, en 1968, un constat qui pourrait tout aussi bien s’appliquer aux heures de gloire et à la déchéance de tous les amants du monde: « Quel morceau, quel monstre! (…) on est terrorisé… On tente pourtant l’aventure. On plonge dans l’énorme histoire: alors le mécanisme joue et l’on est piégé. Des beautés éclatantes, des torrents de mauvais goût : on est emporté par l’un, ébloui par les autres. On sort de là un peu stupéfait, la tête vide, mais soyons francs: le jeu en valait la chandelle. » Lola VS

A (re)lire, in Belle du Seigneur d’Albert Cohen (plus de 800 pages!), la scène de séduction initiale au cours de laquelle Solal provoque Ariane – avant la fin de la nuit, vous serez à moi – et les rencontres sensuelles du couple. Attention roman toxique!

 Ecrit par Lola VS