Une nouvelle prose poétique écrite par Lola VS, membre Gleeden…

J’avais envie de vous parler de tous les sentiments contradictoires qui nous traversent quand on essaie d’étouffer la flamme, quand le feu couve encore sous la cendre. Quand, au foyer, celui qu’on aime au foyer sait.

« Car tout bourgeois, dans l’échauffement de sa jeunesse, ne fût-ce qu’un jour, une minute, s’est cru capable d’immenses passions, de hautes entreprises. Le plus médiocre libertin a rêvé des sultanes; chaque notaire porte en soi les débris d’un poète. » FLAUBERT Madame Bovary, III, 6

Ai passé un week-end entier à Paris sans vous y croiser. Quelle victoire et quelle défaite en mon corps violemment battu par les courants d’air de la capitale. J’ai ri, bu, dansé, dormi dans des lits où vous n’étiez pas.

J’ai parlé de vous. On m’a conseillé de me délier. J’ai espéré rompre. Je vous ai demandé de me délivrer. Vous m’avez proposé une autre date (lointaine) pour nous retrouver. J’ai alors senti que s’évanouissait le grand saut, celui qui nécessite le courage de crier « jamais plus ».

Il y eut tant de villes traversées ensemble. Comment les oublier ? Il y en aura encore. Promettez-moi. Casablanca en été. Moscou en hiver. Promettez-moi, promettez-moi que nous nous retrouverons encore pour le meilleur et le meilleur. J’avais trouvé en vous tant de joies pour si peu de concessions. Une terrasse où soufflait l’air du grand large. Des moments de plaisir, des trouées dans le temps compact du quotidien.

Désormais, je revis la route de nos plaisirs comme un chemin de croix. Les dates de notre passion écorchent mes pas qui reli(s)ent nos stations, ce roman survenu autrefois à une autre que moi.

Cette autre qui prenait le train. Quand j’étais femme de la pointe des pieds et la racine des cheveux. Tout me transperçait alors : lignes du paysage, visages, sons et couleurs… Ibrahim Maalouf m’accompagnait. Vous m’aviez rendu si présente, sans culpabilité. Désormais, je ne croise que mon fantôme, mon double, l’homme qui m’aime au quotidien, cet homme que j’aime (oui, je le dis sans rougir), cet autre lecteur de nos aventures qui s’est grisé de m’avoir aimée et de m’avoir vu aimer. Qui sommes-nous désormais, tous trois, ombres désolées qui naviguons entre l’impossible au-revoir et l’éternel retour ?

Car nous avons été, n’est-ce pas ? Cela ne peut s’effacer.

J’ai très envie de lire à vos côtés la petite plaque du 1 quai aux Fleurs où figure cette citation de Vladimir Jankélévitch, tirée de L’Irréversible et la Nostalgie: « Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été; désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d’avoir vécu est son viatique pour l’éternité. »

Venez me retrouver. Prenez le train.

Ecrit par LOLA VS

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