A la sortie de l’école, une rencontre survient. Dans La Conversation amoureuse, roman d’Alice Ferney datant de 2002, Pauline, mariée et fidèle y fait la connaissance de Gilles, plus âgé, en instance de divorce. Avec maestria, une scène de simple cheminement côte à côte sur le trottoir évoque les lois de l’attraction.

« C’était un devenir. Un futur implacable leur était échu. Qu’ils résistent, qu’ils lâchent prise, ils allaient s’y engouffrer. Ils tremblait au seuil de l’intimité. Ils tremblaient parce qu’ils savaient. Ils étaient ensemble la proie d’un destin amoureux, et peut-être le plus étrange n’était-il pas dans ce destin lui-même, mais cette connaissance qu’ils en avaient, et la façon dont, pour ce destin, la prescience ne leur servait à rien. Un enchantement les tenait enfermés dans le secret de leur rencontre, dans ce côtoiement inéluctable, et dans leur liberté. Une turbulence les précipitait l’un vers l’autre. »

Sans tabou

On apprend plus tard incidemment, au détour d’une phrase, que Pauline est enceinte, comme si c’était un détail négligeable. C’est que la grossesse n’est qu’un maigre obstacle, réduit en poussière par le rouleau compresseur du désir. Ce qui doit advenir, adviendra. Le raisonnable abdique sous la facilité et l’évidence de l’attirance. Pauline n’est pourtant pas une fille facile. Il semble même que ce soit la douce quiétude du mariage qui l’ait comme attendrie, amollie, sculptée pour l’adultère.

L’originalité de ce roman tient dans la description minutieuse de ce phénomène d’appétence ainsi que dans la conversation animée et lucide – qui donne son titre à l’ouvrage – entretenue par les deux amants et leur entourage sur ce sujet. En contrepoint, à travers différents modèles de couples, une grande variété de types de relations amoureuses sont disséqués.

Le mariage: un travail?
Alice Ferney manie à merveille le scapel des sentiments et des pulsions charnelles. Cette année, elle signe Cherchez la femme. A la manière zolienne, ce roman examine les déterminismes familiaux et sociaux qui conduisent deux jeunes gens pourtant brillants, Serge et Marianne, à rater leur union. Les névroses et échecs de leurs parents, en particulier, apparaissent comme une épée de Damoclès pesant sur leur construction sentimentale. Le chapitre  « La Femme de sa vie » (à la brièveté éloquente!) se termine sur leurs noces et un constat sévère: « Le lendemain, Venise les attendait, et le samedi suivant, rien moins que la vie conjugale. Ils étaient heureux sans s’attendre à rien, surtout pas à des efforts, comme s’il n’y avait que la chance et les accidents de la vie pour faire l’heur ou le malheur des époux. Personne ne sait vraiment, au moment de convoler, que le mariage, s’il peut être une félicité, est certainement un travail. » Le chapitre suivant, intitulé « L’Epreuve des faits », est la démonstration de la victoire de l’inéluctable. « Oh! (Serge) ne voulait pas cela. Il savait que c’était le début des misères. Pourtant il sentait qu’il n’allait pas se défendre. Il allait s’abandonner à l’attraction. Une femme inconnue, neuve, qui flamboyait sous son regard (…) c’était un coup de fouet dans le sang, l’impression non pas de rajeunir mais de renaître. Il pleurait de renaître. »
 

Ecrit par Lola VS

ALICE FERNEY, La Conversation amoureuse (2002), Cherchez la femme (2013), Actes Sud.