Extrait de l’article publié dans le journal LE MONDE le 01.01.14

Témoignages

Tous les trois ont eu le même déclic.« J’ai vu une campagne de publicité qui m’a fait sourire», dit Julie, 40 ans,inscrite sur Gleeden depuis un an et demi. « Le ton était drôle, décomplexant, renchérit Sarah, 30 ans,membre depuis un an. Je me suis inscrite pour papoter avec des garçons. Je n’étais pas certaine de sauter le pas.»  C’est un reportage à la télévision qui a décidé Patrick, 51 ans, inscrit depuis trois ans. […]

Leurs motivations ne se ressemblent pas. Patrick souffre de l’usure de son couple.«Avec ma femme, nous n’avons plus d’échanges, raconte-t-il. La vie au quotidien n’est pas pénible, mais la routine s’est installée. Ce n’est pas possible d’être toute une vie avec une personne comme si c’était le premier jour.» S’il vit toujours avec la même femme depuis vingt-cinq ans, c’est uniquement pour préserver sa fille adolescente d’un divorce. Rien de tel pour Sarah,qui vit en couple depuis cinq ans,et se dit «très heureuse». « Je suis comblée sexuellement et émotionnellement, affirme-t-elle. Je ressens énormément d’amour pour mon mari. L’infidélité n’a rien à voir avec lui, mais avec moi. J’ai besoin de revivre les premiers moments encore et encore ». Julie, qui a dix ans de plus et deux enfants, se voit « jusqu’à la mort » avec son conjoint: « On a tout construit ensemble.» Mais depuis la naissance de ses enfants, elle ne travaille plus. « Je m’ennuyais et j’avais un manque d’estime pour moi-même, se souvient-elle. Gleeden est bien tombé. »

Leurs propos,en revanche,se ressemblent quand ils décrivent le «piment» de leurs rencontres extraconjugales. « Une bouffée d’oxygène, une histoire rien qu’à moi », dit Julie,qui évoque le plaisir de «redécouvrir un corps différent et son propre corps». Ces expériences font qu’elle se sent «plus intéressante»,et, par ricochet,lui ont donné envie de recommencer à travailler.
Sarah décrit la satisfaction d’être «séduite»,  de s’entendre dire qu’on est « jolie »,l’« excitation » de la nouveauté et du désir renouvelé… Tout en trouvant son comportement «narcissique». Patrick aussi aime la période « très courte » de séduction. « Le moment le plus excitant dans une relation, c’est la parade », justifie-t-il.

Exercer « l’imaginaire»

Les deux jeunes femmes disent avoir été « agréablement surprises » par le « niveau » des personnes rencontrées. Etant moins nombreuses que les hommes (40% environ), elles peuvent faire le tri. D’ailleurs, l’inscription est gratuite pour elles. Seuls les hommes paient, par un système de crédits débités à chaque prise de contact ou chat. « Je ne communique qu’avec les gens qui savent écrire en français et ne sont pas agressifs sexuellement », dit Julie. Aucun de ces témoins n’est un grand consommateur. Toutes leurs conversations n’ont pas débouché sur des rencontres, ni toutes les rencontres sur des relations extraconjugales, qui ont été pour chacun au nombre de deux ou trois. Mais, à les entendre, la fréquentation du site a son intérêt propre. « C’est un rendez-vous tous les jours, dit Julie. C’est un plaisir d’y aller même si ça ne débouche pas.» «Le fait de se connecter est hyper excitant, renchérit Sarah. C’est complètement addictif.» Patrick évoque un exercice de « l’imaginaire ». « Vous ne savez pas qui vous allez trouver. C’est magique »

Auraient-ils été infidèles sans Internet? Ils affirment que oui, mais « plus tard », « moins simplement ». Les profils anonymisés offrent une garantie de confidentialité précieuse et ils ne seseraient sans doute pas risqués à leur travail ou dans leur entourage, de peur d’être découverts. Le site ne les a pas convaincus, mais leur a donc facilité la tâche. Qu’en est-il de leurs conjoints ? Ne craignent ils pas de se trouver un jour nez à nez avec eux ? Sarah et Patrick doutent qu’ils soient infidèles. Julie préfère « ne pas le savoir » .

Ga. D.

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