Avec l’avènement de nombreux sites de rencontres, il suffit de se connecter pour changer de partenaire. Le zapping conjugal, nouvelle mode ? Rien n’est moins sûr…

Le Nouvel Observateur – 14 février 2013

Dans un récent article de « The Atlantic », Dan Slater s’interrogeait sur les effets de la technologie sur les relations amoureuses et la menace que les sites de rencontre ferait peser sur la monogamie : « Est-ce que les gens vont passer leur temps à trouver un partenaire plus satisfaisant par voie de clic ? Est-ce que la hausse des connexions sur ces sites traduit un engagement moins fort dans les relations ? » demandait le journaliste.

Le « New York Times » évoque également une culture « sans engagement » où la population, habituée à communiquer par textos et chats, ne prend pas le temps des rendez-vous galants. Le phénomène des pages « Spotted » sur Facebook où les étudiants postent des courriers du coeur, semble témoigner de l’immédiateté souhaitée dans les rencontres. Pour autant, les amoureux potentiels ont-ils intégré une logique de zapping ?

« Un nouveau choc émotionnel »

« Une histoire sur trois commence sur le web et 50% des célibataires ayant accès à internet se sont déjà rendus sur un site de rencontre », explique Jessica Delpirou, directrice de Meetic France. Mais elle tient à mettre en avant les relations solides formées grâce au site : « Entre 2005 et 2010, un million de couples ont été créés en France grâce à Meetic. Parmi eux, 6% se sont mariés ». Selon elle, « Meetic répond simplement à un manque de lien social, notamment dans les grandes villes où les gens ont du mal à faire des rencontres ».

De façon assez surprenante, le discours est aussi optimiste sur le site Gleeden, spécialisé dans les rencontres extra-conjugales, qui a débuté avec 5.000 membres français pré-inscrits en 2009 et en compte aujourd’hui 800.000. Pour la porte-parole Anne-Sophie Duthion, Gleeden ne nuit pas à l’engagement. Au contraire : « Le site permet à certaines personnes de préserver leur union. Parfois, on a besoin de passer un cap en se sentant courtisé. Il n’y a pas de contradiction entre une démarche de vie de couple et un écart amoureux », assure-t-elle.

C’est aussi le sentiment de François de Singly, sociologue et professeur à l’université Paris-Descartes, joint par le « Nouvel Observateur » : « On a tendance à oublier que notre société est fondée sur le modèle de la famille bourgeoise, sans amour. Le couple est monogame, une seule femme assure la reproduction, mais la fidélité n’est pas obligatoire. » Ce n’est que dans les années 1930 que l’amour sera intégré à la notion de couple.

Selon lui, « les sites de rencontres jouent de la notion aujourd’hui intégrée que l’amour n’est pas nécessairement éternel. Un certain nombre d’individus qui ont des doutes s’en servent pour voir s’ils peuvent avoir un nouveau choc émotionnel ». Pour François de Singly, la question centrale est de savoir « à quel point la sexualité, vécue comme une expression personnelle, est déconnectée de la vie conjugale ».

IRL (In real life)

Une chose est sûre : « Internet permet d’économiser du temps », comme le souligne Anne-Sophie Duthion. « On sait ce à quoi on a accès avant même d’adresser la parole à quelqu’un ». En effet, les utilisateurs des tels sites ont une idée précise de ce qu’ils veulent, et le font savoir. Pour répondre à cette demande, Meetic a décliné son offre avec Meetic Affinity, où les interactions peuvent se faire sur des critères prédéterminés.

On a aussi vu apparaître dès 2011 de nombreux sites de rencontres de niche, que ce soit pour trouver des gens qui partagent une confession religieuse (Theotokos), une conviction politique (GaucheRencontre), un critère physique (Beautiful People) ou simplement une passion (MarmiteLove).

Enfin, une nouvelle tendance paradoxale a émergé sur les sites de rencontre : le réel. Meetic vient de lancer des soirées célibataires, alors que les concurrents Attractive World et eDarling en proposent déjà depuis quelques années. Meetserious, nouveau venu sur le marché, propose d’organiser des rencontres de célibataires triés sur le volet dans des restaurants. Bientôt des bals populaires ? En amour, les tendances semblent être cycliques.

Amandine Schmitt

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