Si l’infidélité se rencontre plus rarement chez ceux et celles qui sont épanouis dans leur couple, c’est probablement parce qu’elle est tellement mal perçue que seuls ceux et celles qui ne vont pas bien osent se laisser tenter.

Entre les séducteurs compulsifs, les épouses délaissées ou les couples en vrac sentimental, l’infidélité est quasiment toujours décryptée comme le symptôme d’un dysfonctionnement. Dans ce que nous en disent les médias à travers la voix des différents « spécialistes » qui s’y expriment, il n’y a guère de place pour la simple recherche du plaisir. Ceux et celles qui se sentent bien dans leur couple et qui pourtant trouvent un grand bonheur à élargir leur horizon sensuel et amoureux sont soit ignorés soit rangés dans le même sac que les insatisfaits –ce qui est facile puisqu’on trouvera toujours des imperfections même dans le plus heureux des couples. Donc chaque enquête brosse un tableau assez gris des relations extra-conjugales. Cela dit, même si le recensement était neutre, les hédonistes assumés (en couple libre ou en cachette) apparaîtraient probablement minoritaires malgré tout dans la sociologie de l’infidélité. De là à penser que les entorses à la norme monogame sont toujours la preuve d’un mal-être sous-jacent, il n’y a qu’un pas. Lequel est allègrement franchi dans l’imaginaire collectif, quitte à tomber à pieds joints dans le piège.

Car il y a un piège. Tout est biaisé par notre contexte culturel qui nous rappelle avec force que l’adultère est interdit. Certes, ce n’est plus légalement poursuivi mais la morale et l’idéal du couple exclusif des contes de fées pèsent de tout leur poids pour nous dissuader d’aller trouver dans d’autres bras du plaisir « en plus ». Dès lors qu’avoir une aventure expose à l’opprobre et qu’il est normal d’euthanasier le couple à la première incartade, on comprend bien que ceux qui vont bien préfèrent s’abstenir même si l’idée leur traverse l’esprit. Et c’est donc majoritairement quand la vie de couple devient vraiment pesante qu’on ose se laisser tenter.

C’est l’effet « prohibition » : aux US, dans les années 20, sous la pression de la morale puritaine qui voulait lutter contre l’alcoolisme, la vente d’alcool a été interdite. La consommation d’alcool est alors entrée dans une phase de clandestinité hypocrite, et la criminalité liée au trafic a explosé. Ceci renforçait encore l’idée que l’alcool était vraiment quelque chose de moralement répréhensible.

Ainsi, celui ou celle qui se permet d’exercer en marge d’un couple heureux sa liberté sexuelle ‘juste pour le plaisir’ se retrouve dans la position du gourmet des années 30 qui ne pouvait pas se servir un verre de cabernet-sauvignon de Californie sans être mis dans le même sac que les ivrognes ou les mafieux.

Il faudrait arriver à desserrer ce carcan moral suranné qui fait de l’exclusivité sexuelle le seul ciment du couple. S’il suffisait de ne pas coucher ailleurs pour que les couples soient unis pour la vie, ça se saurait. Et s’il suffisait d’avoir du plaisir avec quelqu’un d’autre pour détruire un mariage épanoui, ça se saurait aussi.

Heureusement, il y a des exemples récents de tournants culturels réussis. Depuis que la culture mainstream est sortie d’une pudibonderie qui diabolisait le vibromasseur ou le porno, les sex-shops sordides se sont métamorphosés en love-stores chics, et les productions « erotica » soignées où les actrices prennent au moins autant de plaisir que les acteurs font plus d’adeptes que le hardcore trash. De la même manière on peut espérer que quand on sera vraiment libre de ne pas souscrire au contrat tacite d’exclusivité sexuelle (ou de le renégocier sans monter sur ses grands chevaux), on verra plus d’hommes et de femmes bien dans leur peau qui papillonneront par pur plaisir de vivre sans pourtant délaisser leur couple s’ils s’y sentent épanouis.

Ecrit par Audren

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