Longtemps, je n’ai pas dormi. La radio qui hurle dès 8 heures du matin, le va-et-vient de l’aspirateur, le choc des assiettes dans les placards : sans doute, l’activité bornée et somnambulique de mes parents a-t-elle été la première entreprise d’aliénation de mon espace personnel. Les caractères sains, je l’appris très tôt, ne traînent pas au lit le dimanche.

Par un retournement facétieux des choses, ce lit dont je fus chassée enfant devint des années plus tard le berceau d’une seconde naissance : le lieu de mon accomplissement de femme et de ma sensualité. À ceux qui me demandent aujourd’hui, comme pour s’assurer que je suis bien des «leurs», ce que je fais dans la vie, je réponds souvent : je me consacre à la plus noble activité terrestre, l’amour.

Je suis au milieu de ma vie, on me dit jolie. Pourquoi me priverai-je de ce que les hommes me témoignent au bureau, dans la rue ou sur un site de rencontres comme Gleeden : leur désir, leurs attentions à me plaire et à m’offrir le meilleur d’eux-mêmes. Faire l’amour avec un homme qui a sa richesse propre et des qualités d’amant différentes est un privilège dont je ne suis plus prête à me passer. La vie est riche des êtres qui la composent. Pourquoi mes élans affectifs et mes faveurs sexuelles seraient-elles réservées à une seule personne ? Et pourquoi n’aurions-nous pas le droit de les recevoir à notre tour des autres ?

Les femmes, en cette matière, ont un avantage certain… et beaucoup à gagner ! La fascination de mon mari et son goût à me voir sexy étaient sans doute les ferments de son cocufiage : belle pour lui, je le suis devenue aussi pour les autres. Depuis quelques années, je savoure ma liberté sensuelle. Et je prends le témoignage de désir d’un homme pour ce qu’il est : une possibilité de communion amoureuse qui agrandit ma vie et aussi la sienne. J’ajoute du plaisir au plaisir, de l’amour là où il y en a déjà.

Il m’arrive pourtant, pour des raisons étrangères à celles de ma jeunesse mais étrangement liées à cette propension à passer d’un lit à l’autre, de perdre à nouveau le repos : mes jours et mes nuits passent indistinctement, sans que la ligne de la fatigue ou du sommeil ne les sépare. Il me faut réapprendre à dormir, sous peine de disparaître dans ce qui précisément me fait surgir : cette agitation libre des sens vers moi-même, fut-elle improductive en termes d’économie ou inadaptée à toute forme de reconnaissance de mon entourage. Faire front à l’indifférenciation et à ces tentatives d’endormissement que l’on appelle, dans la vie éveillée, la vraie vie. Trouver un sommeil, en somme, pour guérir d’un autre.

Je dédie ces lignes à mon mari, mon essentiel, que je « trompe » sans répit au nom du même amour qui me voue à lui rester fidèle. À mes amants : qu’ils me pardonnent de ne pas les nommer, leur nombre ferait oublier que chacun d’eux est Unique. Et aux femmes de toutes conditions, à qui je souhaite un prompt « réveil ».

Purdey, 44 ans, Nantes, membre depuis janvier 2014